Prendre un job alimentaire quand on est secrétaire indépendante

Quand on travaille à son compte, il est courant que le chiffre d’affaires soit en dents de scie et ne permette pas toujours de faire face aux charges familiales.

Soit, parce qu’on vient de se lancer comme secrétaire indépendante et que les premiers clients tardent à signer leurs contrats, soit parce qu’un gros client vient de nous quitter, il est parfois indispensable pour « sauver » son entreprise de prendre un emploi salarié, un job alimentaire.

Solution pas facile à prendre, ne serait-ce parce qu’elle remet en cause ce à quoi on aspirait le plus : « ne plus avoir de patron ».

Solution courageuse, car elle demande une organisation exceptionnelle pour cumuler les deux activités (indépendantes et salariées)…

Voici 5 portraits de chefs d’entreprise qui ont accepté à un moment donné de prendre un autre job pour pérenniser leur activité.

Je souligne qu’elles ont déjà toutes réussi leur pari !

Fatima n’avait qu’un seul client régulier

Fatima exerce le métier d’assistante de gestion freelance depuis 2011 à Créteil. Elle a d’abord créé Katiba Gestion sous le statut d’auto-entrepreneur, avant de rejoindre la coopérative d’activité Coopaname.

Alors qu’elle relançait son activité, Fatima n’avait plus qu’un seul client et quelques missions ponctuelles. Le chiffre d’affaires généré par son activité ne suffisait pas à couvrir les besoins d’une famille de 4 personnes, alors que son mari avait justement dû réduire son temps de travail pour des raisons de santé.

De peur d’entraver le développement de Katiba Gestion, Fatima n’a pas voulu prendre de job salarié. Elle a donc sondé son réseau et décidé de proposer ses services aux particuliers qui ont des enfants scolarisés près de chez elle, et qui ont besoin de soutien scolaire, ou bien qui souhaitent que leurs enfants apprennent la langue arabe.

Impliquée localement, notamment à l’école de son fils, elle recrute ses nouveaux clients par le bouche à oreille uniquement.

Cette activité d’appoint lui permet de continuer de travailler pour les clients de Katiba Gestion dans la journée, mais l’oblige à organiser son emploi du temps de manière à se rendre disponible à partir de 16 h 30 pour accompagner les devoirs des enfants.

Cette expérience s’avère très positive :

« La preuve est que mon entreprise n’a pas mis les clés sous la porte. À ce stade du chemin, je suis encore dans le tunnel, mais je vois la lumière. »

Carole arrivait au terme de ses allocations Pôle emploi

Installée dans le Morbihan, Carole a créé le Point et la Virgule, il y a 5 ans maintenant !

Si Carole a réussi son pari en souhaitant devenir secrétaire indépendante et travailler à son compte, cela n’a pas été sans sacrifice de sa part.

Ainsi, alors qu’elle arrivait au terme de ses allocations chômage, le chiffre d’affaires généré ne lui permettait pas encore de vivre de son activité.

C’est grâce à la maman d’un enfant dans la même école que son fils qu’elle a pu trouver un emploi saisonnier dans une compagnie de bateaux promenade-restaurant.

Son travail consistait à prendre les réservations, faire l’encaissement lors des départs des bateaux-restaurants et promenades et tenir la boutique de souvenirs.

« Ce travail saisonnier (avril à octobre) a été très difficile à concilier avec mon activité de secrétaire indépendante, puisque cette société est dans le milieu touristique, ce qui implique un travail tous les week-ends et jours fériés. »

Carole aurait pu profiter de ses jours de « repos », les lundis et jeudis, pour être avec sa famille (notamment pendant la période estivale), mais il lui fallait travailler pour ses clients sur site !

« Il m’est arrivé de travailler des semaines du lundi au dimanche, et de repartir la semaine suivante sans avoir eu un seul jour de repos. »

Elle avait pris soin de prévenir ses clients à distance, surtout pour les informer qu’elle ne pouvait plus assurer les travaux à rendre dans l’urgence.Retour ligne automatique
Pour le reste, elle effectuait les missions après sa journée de travail salarié.

« Mes clients ont été adorables et très conciliants. Ils ne m’ont pas lâché pour autant, et se sont adaptés à mon rythme. Je ne parle même pas de ma famille qui a dû aussi prendre le relais sur les tâches domestiques que je n’avais plus le temps de gérer. »

Inutile de préciser que, épuisée et à bout de force, elle a vu arriver le mois d’octobre et la fin de son CDD avec un grand soulagement !

Outre le salaire dégagé par ce job saisonnier de 6 mois, ce contrat lui a permis de rouvrir ses droits au chômage lui donnant un souffle d’air pour sa future prospection.

De plus, cette expérience l’a confortée dans son choix de rester indépendante…

Au final, cette expérience s’est avérée très positive, mais aujourd’hui, Carole déclare ne pas se sentir prête à reprendre un job salarié !

« Entre-temps, j’ai rentré de nouvelles missions (sur site et à distance) ce qui me laisse peu de disponibilités dans la semaine. Étant également correspondante locale pour un quotidien, je suis également très prise pour la réalisation d’articles les soirs et week-ends. J’aime à penser que j’ai de beaux jours devant moi dans l’indépendance. »

Carole aime son métier de secrétaire indépendante, le fait d’avoir des missions différentes, de travailler sur site et à distance. Les semaines se suivent, mais ne se ressemblent pas, ce qui évite la monotonie.

« J’ai d’excellents rapports avec tous mes clients. La confiance s’est instaurée, et ils ne sont pas avares en compliments, ce qui me conforte dans ma volonté de continuer à œuvrer pour faire grandir ma petite entreprise. Le Point & La Virgule a vu le jour en novembre 2008 et, malgré des hauts et des bas, elle est toujours à flot. »

Jeannick avait perdu son principal client

Jeannick est secrétaire indépendante depuis 2010. Quand elle s’est lancée, elle a tout de suite trouvé deux clients récurrents qui lui ont permis de vivre correctement de son activité.

Pourtant, son client principal a résilié son contrat en mai 2012 pour s’agrandir (et donc embaucher).

« N’ayant pas vraiment pris le temps de continuer ma prospection, je me suis retrouvée avec un client pour qui je travaillais une heure tous les soirs et une retranscription mensuelle, pas bien folichon tout cela. »

Elle a finalement été contactée pour un remplacement par une entreprise auprès de laquelle elle avait postulé quelques années auparavant. C’était en juin 2012, et cette proposition d’emploi tombait à point !

Devenue assistante logistique la journée, Jeannick éditait des bons de livraison, prenait des RDV avec les clients, contactait les chauffeurs, tout ça pendant 35 heures par semaine, en plus des travaux avec son client le soir et ses retranscriptions le week-end.

Finalement, le remplacement pour l’été s’est prolongé en septembre pour pallier un arrêt maladie.

Ce nouveau travail, au sein d’une équipe sympa, qui avait d’abord plu à Jeannick, commençait à lui paraître « morne, sans aucune responsabilité, sans aucun avenir… »

« Les mois passant, c’était devenu fatigant, et il s’est aussi accumulé de gros soucis de santé de mon mari. Je me posais beaucoup de questions sur le devenir de ma petite entreprise. Je ne voulais pas arrêter, j’avais l’impression de ne pas avoir été au bout de l’aventure. »

En mars 2013, son employeur refuse de la libérer une après-midi par semaine afin de relancer sa prospection.

« Après des semaines d’incertitude sur mon devenir, j’y ai vu un signe : ils avaient pris la décision pour moi !  »

Jeannick annonce son intention de stopper la collaboration et forme sa remplaçante avant de reprendre sa liberté.

Cette mission lui a finalement permis de rouvrir ses droits aux allocations chômage le temps de relancer sa prospection.

« Après quelques mois d’incertitude, j’ai comme l’impression que mon activité reprend un peu et je suis aux anges. »

Au final, Jeannick admet que cette période difficile lui a permis de faire le point sur son envie de poursuivre l’aventure comme secrétaire indépendante.

Aujourd’hui, c’est elle qui a proposé à l’un de ses gros clients de l’embaucher à mi-temps, mais là, il ne s’agit plus d’un job alimentaire : « les missions au sein de cette entreprise me plaisent vraiment et correspondent à mon métier. »

Jessica a pris un job pour arrondir ses fins de mois

Jessica vient de fêter les trois ans de Toul Service. Elle a eu la chance de pouvoir se constituer rapidement une clientèle lui permettant de tirer de son activité de télésecrétaire un revenu correct.

Pourtant, elle a choisi d’accepter un CDI de 7 heures par semaine comme femme de ménage dans un cabinet médical.

« Je démarrais et donc m’attendais à ne pas tirer de revenus suffisants au début de l’activité. »

Elle a finalement arrêté son contrat en janvier 2012, soit un an après le démarrage de son activité de télésecrétaire.

« C’était vite devenu « ingérable ». Je faisais beaucoup d’heures pour mon activité et, en plus de la vie familiale, j’allais le soir faire le ménage au cabinet. Parfois, je retravaillais ensuite pour pouvoir garantir les délais de livraison aux clients. En fonction des délais, j’en étais arrivée à aller faire le ménage au cabinet à 23 heures… »

Avec la naissance de son deuxième enfant et son activité qui décollait, c’était devenu trop lourd.

« Aujourd’hui, tout le monde est dans la même situation, il est difficile de rester plusieurs mois avec de très faibles revenus. Pour ma part, je ne pouvais pas me permettre au début de n’avoir que des revenus aléatoires, d’autant que mon mari était en intérim à ce moment-là. »

En revanche, Jessica n’a jamais envisagé d’arrêter son entreprise. Prendre un job alimentaire n’était qu’une solution pour se lancer, de façon à être plus « confiante » quant aux obligations financières et pouvoir se laisser le temps de prospecter plus sereinement.

Si besoin était, elle serait prête à recommencer, mais peut-être pas pour des heures de ménage quotidien, ce qui demande une organisation trop contraignante, d’autant plus qu’elle a désormais trois enfants…

« Bien entendu, ce choix est fonction de la motivation de chacun, mais aussi de la situation personnelle, puisqu’il faut de l’organisation pour gérer les deux activités. Pour ma part, il m’était parfois difficile et très contraignant d’aller quotidiennement faire le ménage après mes heures de travail et les activités familiales (devoirs, école, ménage, linge…). Il faut parfois avoir quatre bras, mais l’aide financière m’a permis de continuer mon activité sereinement.  »

Mildred a eu des difficultés à trouver ses premiers clients

Mildred s’est lancée comme télésecrétaire en 2009. Elle a accepté un poste salarié en CDD pendant 3 mois, de septembre à décembre 2009.

« En effet, je n’étais pas encore connue sur le net, mon site n’était pas bien référencé et, malgré ma prospection active, les clients ne venaient pas. »

Comme un fait exprès, dès qu’elle a commencé son contrat chez son nouvel employeur, les appels ont commencé et les premiers clients sont arrivés !

Cela a donc été particulièrement difficile à gérer, car Mildred ne souhaitant pas « louper d’appels » prenait ceux-ci sur son portable pendant ses heures de travail.Retour ligne automatique
Sa responsable était bien évidemment au courant de la situation.

« Je finissais le travail vers 17 heures, et dès que je rentrais je branchais l’ordinateur jusqu’à 23 heures environ. Je travaillais également les samedis (toute la journée) afin de rattraper le retard accumulé dans la semaine. »

Finalement, à la fin de son CDD, son employeur souhaitant renouveler son contrat, Mildred a essayé de négocier un temps partiel, ce qui s’est avéré impossible. Elle a donc préféré reprendre son activité d’indépendante à temps plein.

Avec son mari, ils ont pu profiter de la construction de leur maison, pour retourner vivre chez ses parents, ce qui leur a permis de « profiter de la situation » et de réduire leurs frais au maximum le temps de développer une clientèle pérenne.

Et puis, elle a eu la chance de trouver un gros client assez rapidement.

Si besoin était, Mildred serait prête à reprendre un emploi salarié. En effet,

« Les débuts en tant que chef d’entreprise ne sont pas faciles, et je pense même qu’un job en parallèle est inévitable, ou au moins avoir droit aux allocations chômage. Il ne faut pas s’imaginer se sortir un salaire, même minime, dès les premiers mois.  »

Mildred conseille de commencer par un temps plein, le temps de travailler sur son projet, puis de négocier un mi-temps une fois que l’activité se développe, avant de se consacrer entièrement à son activité de secrétaire indépendante.

« Il faut savoir que dans notre secteur d’activité, les hauts les bas sont notre quotidien. Donc, si la personne a la possibilité de conserver un mi-temps, le temps que son entreprise décolle, je le lui conseille fortement. »

En revanche, elle n’a jamais imaginé arrêter son entreprise !

« Créer mon entreprise était mon rêve. En plus, si je pouvais travailler de chez moi, c’était la cerise sur le gâteau. Je n’allais donc pas baisser les bras si vite.
Malgré des hauts et des bas, le métier de secrétaire indépendante, c’est le top
. »

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