Installée dans les Pyrénées-Orientales, près de Perpignan, Sylvie Méauzoone a lancé Libertél sous le statut auto-entrepreneur, en décembre 2013.
Secrétariat à distance spécialisé dans la réception d’appels pour les médecins et les professionnels de santé, Libertél est aujourd’hui une entreprise regroupant 4 télésecrétaires.
Sylvie a accepté de témoigner de son expérience pour Croquefeuille.
Quel était votre parcours avant de devenir télésecrétaire ?
Originaire du nord de la France et installée depuis plus de 10 ans dans les Pyrénées-Orientales, près de Perpignan, je suis issue d’une formation en comptabilité-gestion. J’ai exercé dans divers domaines tels que le marketing, le secrétariat, l’assistanat en gestion d’entreprise et les ressources humaines (aide au recrutement, paies, régulation et gestion de plannings).
Je suis également familiarisée avec le domaine médical, mon conjoint exerçant une profession paramédicale en libéral, et moi-même, ayant eu une expérience professionnelle au sein d’une clinique.
Quand et pourquoi avez-vous décidé de vous lancer à votre compte comme télésecrétaire ?
À 40 ans, après le décès de ma mère et sortant d’une opération chirurgicale assez lourde, j’ai décidé de prendre un virage dans ma vie. De nature combattive et indépendante, ne trouvant pas de poste à la hauteur de mes exigences, j’ai décidé de créer mon entreprise.
Étant autonome, à l’aise au téléphone, avec un esprit de gestionnaire, devenir télésecrétaire indépendante correspondait à mes attentes et mes compétences.
Pourquoi la permanence téléphonique ?
La permanence téléphonique, j’y avais déjà pensé 10 ans auparavant, trouvant le concept séduisant et prometteur, mais internet n’était pas aussi développé à l’époque, et j’avais d’autres projets personnels à concrétiser d’abord.
En 2013, ne trouvant pas de poste dans lequel je pourrais m’épanouir, je refuse le CDI que l’on me propose et je me renseigne sur le métier de télésecrétaire indépendante.
J’enquête, en autre, en passant quelques coups de fil, notamment à une télésecrétaire choisie au hasard sur internet pour connaître son expérience et avoir des conseils.
Cette personne m’a beaucoup aidée à définir mon projet.
Quelles ont été vos démarches ?
Après avoir effectué une petite étude de marché, j’ai commencé à démarcher des médecins par téléphone pour leur proposer ce service.
Au bout de quelques jours, un client était prêt à signer et deux autres intéressés pour dans quelques mois.
L’installation ne représentant pas un coût excessif, je me suis lancée.
En 2013, s’installer en tant qu’auto-entrepreneur était très simple. Quelques clics sur internet, et vous étiez immatriculée.
J’ai choisi de faire confiance à un prestataire externe de standard VOIP. Quant aux agendas partagés pour la prise de rendez-vous, j’ai comparé les tarifs et je les ai testés afin de choisir l’un des meilleurs en qualité/prix.
Je n’ai pas eu à investir beaucoup financièrement, juste dans un téléphone et un casque. Je me suis servie de mon ordinateur personnel pour pratiquer mon métier.
Par contre, je me suis investie énormément personnellement, ne comptant pas mes heures.
Pourquoi le statut auto-entrepreneur ?
Le statut d’AE me paraissait le plus adapté pour débuter une activité seule et sans moyen financier. Pour moi, c’était le statut idéal pour tester la viabilité ou non de mon entreprise. J’ai toujours considéré ce statut comme un tremplin et non pas comme un statut à conserver sur le long terme.
Pour moi, être entrepreneur, c’est aussi vouloir se développer et toujours voir plus grand.
Au bout de treize mois, vous avez changé de statut pour l’entreprise individuelle au réel, pourquoi ?
Pendant ma période sous le statut d’AE, j’avais certes une télésecrétaire indépendante à qui je pouvais transférer mes lignes occasionnellement, mais c’était difficile de fonctionner de cette façon.
Au bout d’un an à peine, j’étais débordée. Je ne voulais pas que la qualité de mon service s’en ressente. Je décide alors d’embaucher avant même de quitter le statut d’auto-entrepreneur.
Tant pis, si ce n’était pas le statut le plus approprié, il me fallait embaucher. Je ne pouvais pas prendre le risque de perdre des clients.
J’ai donc pris un local, car je ne pouvais pas exercer avec une employée depuis mon domicile.
Au 1er janvier 2015, je suis passée en EIRL. Ce statut était un bon compromis entre l’entreprise individuelle (dont le statut est l’un des moins coûteux) et l’EURL (qui permet de protéger ses biens personnels).
Cela a été un passage délicat, parce que j’ai dû apprendre à faire confiance et à déléguer.
En effet, j’ai dû confier une partie des appels de mes clients à une télésecrétaire que je ne connaissais pas, et ma comptabilité (faute de temps) à un cabinet d’expertise comptable.
Après trois ans, êtes-vous satisfaites de ce choix ?
Avec le recul, je suis plutôt satisfaite de ce choix. Ma qualité de vie s’est améliorée (je ne fais plus 70 heures par semaine, et je peux me permettre des vacances de temps en temps !).
Il ne s’est pas fait sans difficulté.
Ça a d’abord été compliqué pour moi de recruter parce que Pôle emploi refusait la diffusion de mon annonce à cause mon statut d’AE. J’ai dû leur montrer les textes de loi pour leur apprendre qu’un auto-entrepreneur pouvait embaucher…
Avec une employée, forcément, les dépenses étaient bien plus élevées.
En effet, il m’a fallu louer un local, parce que j’exerçais jusque là depuis mon domicile, et investir dans du nouveau mobilier, puis dans de l’équipement informatique et de téléphonie.
Quant aux charges sociales, c’est astronomique !
Je le savais avant de m’installer, mais il faut le vivre pour se rendre à quel point ça l’est.
Pour réduire au maximum, les coûts, j’ai acheté du matériel d’occasion et embauché en contrat aidé.
Comment vos clients ont-ils réagi au fait que vous facturiez désormais la TVA ?
Pour mes clients, rien n’a changé. J’avais anticipé et intégré la part TVA dans mon prix de départ.
Pendant quelques mois, j’ai bénéficié du régime d’EI en franchise de base, puis j’ai été assujettie à la TVA. J’ai perdu 20 % de chiffre d’affaires, d’un coup. Mais cela aussi, je l’avais anticipé.
Pour conserver une marge suffisante, j’ai revalorisé mes tarifs par la suite.
Qui sont vos clients ?
Mes clients sont en grande majorité des professions médicales (médecins généralistes, gynécologues, neurologues, ORL, pneumologues, dentistes…) et paramédicales (kinésithérapeutes, ostéopathes, diététiciens, podologues…).
Je fais de la sous-traitance également. Elle représente un quart de mon chiffre d’affaires.
Je les ai trouvés en prospectant (essentiellement par téléphone), puis par « le bouche-à-oreille ».
Comment s’est passée la phase de recrutement ?
Libertél est composée actuellement de 4 télésecrétaires, dont moi-même, toutes formées au secrétariat médical.
Au début, j’ai commencé à prendre une stagiaire pendant trois mois que j’ai formée avec le projet de l’embaucher à la suite du stage. Or celle-ci m’a fait faux bond deux jours avant de signer son CDI. Il m’a fallu trouver quelqu’un au pied levé. Difficile en si peu de temps et après une désillusion, mais il faut savoir rebondir…
Je les ai trouvées, tout simplement, en passant une annonce à Pôle emploi.
Est-il difficile de trouver quelqu’un de confiance ?
C’est difficile effectivement de déléguer quand on a l’habitude de tout gérer seule.
Mon entreprise c’est « mon bébé », et mes clients, j’en prends soin.
J’ai passé beaucoup de temps avec mes collaboratrices pour bien les former, et j’ai tout fait pour instaurer un bon esprit d’équipe.
Quels sont vos critères pour choisir vos collaboratrices ?
Avant de choisir une nouvelle collaboratrice, je procède à un entretien téléphonique pour me rendre compte de son élocution, apprécier sa voix et son sourire au téléphone.
Ensuite, je la reçois pour un entretien d’embauche.
Je la mets à l’aise afin qu’elle se dévoile et que je puisse juger de son aptitude au poste, et de sa motivation.
Je fais également très attention au caractère de la télésecrétaire qui doit être compatible avec le tempérament de l’équipe déjà en place.
Je tâche de recruter des télésecrétaires qui peuvent s’entendre et se compléter.
Selon moi, l’ambiance au travail est un élément très important dans le succès d’une entreprise.
La dernière recrue a un profil plus commercial. Je lui confie de la prise d’appels, mais aussi de la téléprospection.
Où exercent-elles ?
Nous exerçons toute depuis des locaux que je loue (j’ai d’ailleurs dû en changer pour prendre plus grand, lorsque j’ai embauché ma deuxième employée).
La qualité est préservée du fait que nous travaillions ensemble, et non pas chacune de notre côté. En effet, les transmissions se font mieux et les formations aussi. Par contre, je leur demande une grande souplesse horaire. Dans mon recrutement, je choisis donc des personnes qui n’habitent pas trop loin.
Quelle est leur formation ?
Elles ont toutes un niveau BAC+2 minimum, et ont toutes une formation au secrétariat médical.
Elles sont formées en interne par mon conjoint aux situations médicales d’urgence et aux symptômes « alertes » pour détecter les cas graves.
Nous avons déjà eu au téléphone des patients qui faisaient des AVC ou des infarctus.
Quel est le contrat qui les lie à vous ?
Elles sont toutes embauchées en CDI, car je souhaite éviter le turn-over afin de ne pas perturber mes clients et maintenir la qualité.
En 2013, aviez-vous envisagé ce développement de votre activité ? Quelles sont vos attentes, aujourd’hui ? Que peut-on vous souhaiter ?
En décembre 2013, lorsque j’ai démarré mon activité, j’espérais me développer, mais j’avais des doutes. Je suis heureuse de voir à quel point mon travail est apprécié et le chemin parcouru.
J’espère continuer à me développer pour pouvoir continuer à me dégager du temps en délégant davantage la prise d’appels et me sortir un meilleur revenu.
J’envisage de diversifier mon activité avec la retranscription audio, notamment, et la téléprospection.
Auriez-vous un souvenir ou une anecdote qui vous a marquée dans le cadre de votre activité ?
Je travaille pour des médecins sur Paris, et souvent les patients me parlent du temps qu’il fait et me disent « à tout à l’heure », croyant avoir affaire à la secrétaire sur place, alors que je travaille à 800 km de là. C’est amusant !
Il m’arrive aussi d’avoir des célébrités au téléphone… C’est sympa !
Quels sont les conseils que vous donneriez à quelqu’un qui veut se lancer dans la spécialité d’accueil téléphonique ?
Il ne faut pas voir l’activité que comme télésecrétaire : une excellente secrétaire n’est pas forcément une bonne chef d’entreprise. Il faut vraiment avoir envie d’être entrepreneur et ne pas avoir peur de démarcher les clients, car ceux-ci ne viennent pas à vous spontanément, il faut savoir aller les chercher.
Il faut être tenace et très motivée, j’ai plusieurs fois eu envie de baisser les bras, surtout quand vous voyez les charges que vous devez payer. C’est pourquoi il faut bien calculer son seuil de rentabilité avant d’établir les tarifs.
J’ai aussi appris en début d’année que la personne qui m’avait donné beaucoup de conseils avant mon installation voulait jeter l’éponge après 5 ans d’existence et s’être très bien développée, sa vie professionnelle empiétant trop sur sa vie privée ; ce qui est aussi un peu mon cas…
Vous n’avez pas de répit, vous ne pouvez pas vous permettre de fermer momentanément votre permanence téléphonique, ou bien de proposer des plages horaires restreintes, car la concurrence est bien trop présente.
Si vous comptez faire 7 heures par jour, 5 jours par semaine, il vaut mieux passer votre chemin, en tout cas, les premières années.
D’ailleurs, ne souffrez-vous pas trop de la concurrence ?
La plupart des clients recherchent la qualité et se détournent vite des trop gros centres d’appels. Un petit centre comme le mien, ou une indépendante, satisfera beaucoup mieux les clients.
Par contre, depuis trois ans, il y a la concurrence des prises de rendez-vous par internet qui ont une force commerciale énorme et qui ont investi plusieurs millions d’euros. Nous sommes obligées de composer avec eux, car nous sommes trop dispersées pour leur faire barrage. Mais là encore, la plupart des clients reviennent, car ils se rendent compte que ça ne peut pas constituer une solution seule, sans l’appui d’un secrétariat ou télésecrétariat.
Voulez-vous ajouter quelque chose ?
Même si être chef d’entreprise est loin d’être toujours rose, c’est très motivant de créer son entreprise et de la voir se développer. Chaque année, j’embauche une nouvelle personne et c’est très stimulant.
Je tiens d’ailleurs à les remercier. Elles sont toutes les trois très impliquées dans leur travail et c’est aussi grâce à elles que l’entreprise se pérennise.
Tous mes clients sont satisfaits, même très satisfaits, de nos services, c’est aussi ce qui nous motive toutes les quatre.
Je suis très heureuse d’avoir instauré cet esprit d’équipe très constructif. À chaque recrutement, je fais tout pour trouver la bonne personne et ne pas détruire cette harmonie.
Être entrepreneuse, c’est avant tout se sentir libre, être tournée vers l’avenir et avoir un état d’esprit positif.
Pour en savoir plus sur Libertél :
http://www.telesecretariat-medical-libertel.fr