Je viens de visionner un excellent reportage diffusé sur France 5 concernant le métier d’écrivain public.
Ils sont 600 en France à exercer comme écrivain public, un métier qui se distingue et rejoint parfois celui d’assistance administrative et de secrétaire indépendante…
Cela m’a aussi permis d’y voir plus clair sur cette profession que je connais moins bien, n’ayant jamais travaillé moi-même pour des particuliers.
Voici un résumé de ce que j’en ai retenu.
Vous pourrez bien sûr compléter mes propos en commentaires !
Qu’est-ce qu’un écrivain public ?
C’est un métier à multiples facettes.
La dimension sociale
C’est sans doute la face la plus connue.
Les mairies comme les administrations font de plus en plus appel à des écrivains publics pour soutenir leurs administrés dans ce travail difficile d’écriture.
En mairie, l’écrivain public passe plus de temps à remplir des dossiers (aide juridictionnelle, demande de logement, CMU…) qu’à rédiger à proprement parler.
Son travail relève plus d’une assistance administrative en partenariat avec l’assistance sociale afin de trouver des solutions aux plus démunis.
Ses compétences : Écouter pour bien comprendre ce que veulent les gens et attirer leur attention sur certaines difficultés potentielles liées à leur situation.
« On fait parfois un peu le psy, mais ce n’est pas l’objectif. »
En maison d’arrêt, le prestataire appartient au monde associatif.
Il intervient deux fois par mois, en complément de l’aide apportée sur place par le bibliothécaire, lui-même codétenu.
Mais la force de l’écrivain public est justement qu’il est extérieur à la prison.
Il est plus facile de se confier à un étranger, encore faut-il avoir confiance…
La confiance est en effet importante : se confier à quelqu’un qu’on ne connaît pas, il faut pouvoir le faire.
Ses travaux vont de la lettre au juge ou à l’avocat aux courriers plus personnels à la famille, en passant par les lettres d’excuse aux victimes…
Ne pas dépasser les limites : écouter pour comprendre et retranscrire.
Il est important de ne pas entrer dans l’émotion : « mettre une carapace pour se protéger ».
« On est à la limite entre le psy et l’assistance administrative. »
Pour être écrivain public, il faut quand même une certaine maturité et une expérience de la vie.
C’est aussi un moment privilégié avec les détenus, pour une fois que quelqu’un s’intéresse à eux sans les juger. C’est un moment d’humanité.
Le rôle de l’écrivain public les valorise.
Sur le marché, on trouve une autre forme d’écrivain public.
Retraitée, elle a aménagé son bureau (ordinateur + imprimante) dans une camionnette protégée par des rideaux pour préserver l’intimité de son travail.
Elle admet que ses clients ne veulent pas être vus avec un écrivain, car cela signifie qu’ils ne savent pas écrire ou ne savent pas se débrouiller tout seul…
4 euros le CV dactylographié et imprimé.
Dans le meilleur des cas, 50 euros dans la journée, mais souvent moins, pas de quoi créer une activité sans complément financier !
« 4 euros pour un CV. Pour les plus pauvres, c’est déjà beaucoup ! »
Des professionnels de l’écriture
Au-delà de cette dimension sociale, les écrivains publics restent des professionnels de l’écriture.
Avec ces professionnels, l’écriture devient un marché : les micro-entreprises se multiplient qui travaillent aussi bien cette fois avec les professionnels que les particuliers : communication, rédaction, communiqués de presse….
Pour un CV et une lettre de motivation, par exemple, il faudra compter 45 euros.
Pas évident pour tous de mettre en avant ses compétences personnelles pour se vendre.
C’est presque comme une thérapie, dit une cliente qui a trouvé un emploi rapidement après avoir fait appel à un professionnel.
L’écrivain guide et apporte ses conseils.
Il en ressort un CV et un courrier qui font la différence en mettant en valeur les éléments clés du parcours.
C’est un peu la solution miracle, encore faut-il y mettre le prix.
Les élus ont trop d’obligation pour avoir le temps et le recul nécessaire pour rédiger leur discours.
En revanche, il suffit d’une séance pour jeter des idées tandis qu’un professionnel se chargera de mettre en forme et trouver le fils du discours de manière à ne pas ennuyeux l’auditoire.
Biographe
Certains prestataires sont spécialisés dans la rédaction des biographies familiales.
On compte 4 éditeurs spécialisés en France avec des tirages confidentiels.
Ils ont 3 catégories de clients :
- Les personnes âgées dont les enfants et petits enfants offrent « le livre de sa vie ». Ce sont les plus nombreux.
- Vient ensuite la catégorie des « quinquas » qui vont surtout raconter une réussite sous forme de bilan.
- Beaucoup moins nombreux sont les trentenaires. Ceux-là souhaitent une biographie sous forme de règlement de comptes. Enfants martyrs, par exemple, ils parlent de leur souffrance avant de se permettre de passer à autre chose et se reconstruire…
Un premier entretien téléphonique d’une ou deux heures permet de faire connaissance et connaître les souhaits du client avant de se rencontrer pour un premier entretien.
Il faudra compter entre 10 et 20 entretiens d’une heure pour rédiger l’ouvrage.
Il faut surtout que le client soit en confiance et ait envie de se confier au biographe qu’il parvienne à s’ouvrir et à faire des confidences.
Ce sont ces confidences, plus que les anecdotes, qui sont les clés du succès d’un livre.
L’écrivain pose des questions afin d’en savoir plus sur la psychologie des personnages.
La biographie est un travail difficile à faire soi-même, mais il est aussi difficile de se confier aussi intimement à un proche.
L’écrivain devient confident. On lui fait confiance.
Son travail est de transmettre.
Ces entretiens, enregistrés, seront ensuite retranscrits intégralement au moyen d’un logiciel comme Dragon. C’est la matière première du récit.
Cette double écoute (lors des entretiens et chez lui devant son ordinateur) lui permet de s’imprégner des émotions de son sujet.
« Je me mets dans la peau de l’autre et je vis ses sentiments, ses angoisses, ses peurs, sa tristesse… »
« Je suis une éponge à émotions et je m’en sers pour écrire. »
À partir de là, il pourra rédiger un premier texte, en partant des propres mots de son client qu’il fera ensuite relire pour corriger les erreurs et apporter les précisions nécessaires à certains passages du livre.
Il faudra compter un budget de 2 800 euros pour le livre d’une vie à partir de 10 séances.
Les ateliers d’écritures
Entre ces deux dimensions, du social au marché de l’écriture, on trouve les ateliers.
C’est la face la plus moderne du métier d’écrivain public : créer du lien social.
Un prestataire peut par exemple intervenir en maison retraite.
L’objectif est de créer du lien en travaillant en groupe (collectif).
C’est aussi un grand moment de convivialité et de valorisation.
Les retraités se parlent plus et s’intéressent les uns aux autres.
L’idée est de débloquer la parole. Raconter ses souvenirs pour créer du lien et de l’humain.
« Ces écrits les valorisent et ils sont souvent étonnés du résultat. »
La question du diplôme
Certains prestataires ne se sentent pas légitimes à exercer sans diplôme.
Il est vrai qu’une formation peut être un atout pour s’adapter à toutes les demandes et à la variété du métier, mais aussi pour apprendre à mettre de la distance avec les usagers/clients.
L’Université Sorbonne Nouvelle Paris 3 propose une licence professionnelle en un an « Conseil en écriture professionnelle & privée – Écrivain public » :
« Cette formation se propose de former des professionnels de l’écriture capables de répondre aux besoins à la fois de la collectivité et des personnes privées, en apportant à tous publics une aide à la rédaction. »
Les écrivains publics sont amenés à manipuler toutes formes d’écrits.
Leur rôle consiste autant à écouter et comprendre avant de retranscrire à partir des mots des autres et surtout ne pas interpréter.
En ce sens, ça me rappelle la mission de retranscription audio que j’ai tant pratiquée !
« Je ne fais que reprendre les mots qui me sont communiqués. »
« Je me glisse dans les mots des autres. »