Tomber enceinte quand on est indépendante n’est pas une situation qui va de soi.
Comment annoncer à ses clients sa grossesse ? Comment organiser son congé maternité ? Faut-il trouver une remplaçante ? Comment concilier son travail à la maison avec un nouveau-né ?
Voici 4 témoignages de télésecrétaires ayant connu une grossesse alors qu’elles étaient déjà indépendantes.
Jessica, assistante freelance à Toul (54)
Jessica a 30 ans. Elle a créé Toul Secrétariat sous le statut auto-entrepreneur en 2010. Spécialisée en retranscription audio, elle travaille sur site et à distance, et propose également de l’assistante administrative, du secrétariat médical et de la gestion commerciale. Elle intervient aussi sur place pour enregistrer tous types d’évènements afin d’en assurer la transcription.
C’est en janvier 2013 que Jessica a appris qu’elle était enceinte.
Elle a attendu la fin de sa grossesse pour prévenir ses clients, par mail ou par téléphone, qu’elle allait être moins disponible, « afin qu’ils puissent au maximum essayer de planifier leurs demandes. »
Il faut dire qu’elle n’a pas rencontré de souci particulier pendant sa grossesse, si ce n’est « la place pour mettre (son) ventre devant (son) bureau ».
Jessica s’est finalement arrêtée une semaine avant son accouchement, pour reprendre son activité à temps plein six semaines après.
Jessica a l’avantage de travailler avec Caroline, sa binôme. Celle-ci a donc naturellement pris le relais auprès de ses clients. Il aura quand même fallu les aider à planifier les missions en fonction du planning de sa collaboratrice.
« L’important pour moi était de pouvoir offrir une continuité du service, puisqu’une trop longue absence aurait été pénalisante pour mes clients réguliers notamment. Il est donc important de pouvoir proposer une solution alternative. J’ai d’ailleurs été remerciée par un de mes clients de cette solution « très professionnelle et consciencieuse » qui lui avait permis de répondre à ses besoins dans les conditions habituelles. »
Sous le statut auto-entrepreneur artisan, Jessica a pu bénéficier de la prise en charge de toutes ses consultations et soins hospitaliers liés à la grossesse par le RSI (en fait la RAM).
Son congé maternité de 44 jours lui a ouvert des droits pour une allocation journalière forfaitaire d’un peu plus de 2 000 euros. Elle a également perçu un forfait « naissance » de 3 000 euros versé en deux fois (la première moitié en fin de grossesse et le solde après la déclaration de naissance).
La reprise du travail s’est très bien passée.
« Je dois dire que le travail me « manquait », malgré l’occupation que me procuraient mes trois enfants et une petite fatigue due aux nuits « agitées » des premières semaines. J’ai repris mon travail avec plaisir, quoiqu’à temps partiel les deux premiers mois. »
Mère de trois enfants, Jessica était déjà bien organisée concernant la conciliation de son travail avec sa vie familiale.
« Je me suis construit une organisation bien réglée afin de pouvoir concilier mon activité et l’éducation de mes enfants. Oui, parce que j’en ai trois : une fille de 10 ans, un garçon de bientôt 3 ans, et ma petite dernière qui a, aujourd’hui, 8 mois. »
La grande est scolarisée, et mange à la cantine les midis, et son fils est confié à une assistante maternelle. Aux quatre mois de sa dernière, Jessica a fait le choix de la confier avec son frère à la nourrice.
« Même si je me dis parfois que je ne profite pas assez d’eux, j’ai choisi de m’investir pleinement dans mon entreprise. Quand ils rentrent, j’essaye de leur réserver de longs moments pour m’occuper d’eux, même si cela implique que je retravaille en soirée. »
L’arrivée du bébé n’a pas changé sa façon de travailler.
« Jusqu’en janvier dernier où j’ai confié la petite en nourrice, j’évitais au maximum les prestations sur site, sans toutefois refuser si un client me demandait d’intervenir. J’avoue n’avoir pas changé fondamentalement mes prestations. J’ai simplement essayé de m’organiser au mieux pour m’adapter et concilier le bien-être de ma puce et la continuité des interventions. »
Outre une bonne organisation, le conseil de Jessica :
« S’écouter soi-même, ses propres souhaits, ses propres envies, qu’ils soient de privilégier son activité professionnelle ou sa vie de maman. Il n’y a pas de solution miracle, mais un mode de vie qui nous correspond à chacune personnellement. »
Jessica reconnaît qu’aujourd’hui, il n’y a plus tellement de place pour l’improvisation dans son organisation bien rodée. Son fils va entrer à l’école en septembre, elle prévoit donc ses prochains plannings en conséquence.
Valérie, secrétaire indépendante à Aix-en-Provence (15)
Valérie va bientôt avoir 33 ans. Elle a créé Personal Assistante en 2007 sous le statut d’EURL, et propose des prestations de secrétariat à 95 % sur site, chez ses clients.
Elle attendait déjà depuis quelques mois, quand elle a appris en juillet 2012 qu’elle était enceinte.
Elle a commencé à prévenir ses clients à la fin du 1er trimestre pour être sure que tout était OK. L’annonce a été faite aux « bons moments » toujours en face à face.
Valérie avoue qu’elle était presque aussi stressée d’annoncer la nouvelle à ses clients qu’à sa famille !
La grossesse s’est bien passée si ce n’est la fatigue, notamment au début. Elle a pu aménager son activité en travaillant un peu plus depuis son domicile et en ralentissant le rythme après 7 mois.
Cela dit, elle travaillait encore le 20 mars tandis qu’elle allait accoucher trois jours après.
L’arrivée de bébé ayant été prévue un an à l’avance, Valérie avait prévu un arrêt total de son activité pendant 6 mois pour en profiter au maximum. Malgré tout, elle avoue avoir gardé l’ordinateur allumé sur la table dès son retour de la maternité !
Pour assurer la continuité de l’activité, Valérie avait recruté dès janvier une assistante pour la remplacer chez deux de ses clients chez lesquels il fallait faire un suivi sur site.
Ses autres clients l’ont simplement attendue, assurant par eux-mêmes les tâches dont elle s’occupait.
« J’avoue que le principe de la « remplaçante » est un peu compliqué. Dans notre travail et la manière dont nous faisons notre mission, c’est la personne qui compte. Nous ne sommes pas des pions que l’on peut remplacer à notre guise… »
La solution était pourtant la bonne, puisque cela lui a permis de conserver ses clients.
Point essentiel de son organisation, Valérie avait mis en place pour toutes ses missions un système de partage de documents avec accès aux mails. Ce système lui a permis plusieurs fois de sauver la mise en intervenant à distance pour résoudre certains problèmes.
Gérante non salariée et artisan cotisant au RSI, Valérie a pu bénéficier d’un revenu de 1 300 euros par mois pendant ses 6 mois d’arrêt officiel.
La reprise du travail s’est bien passée :
« J’avoue que j’étais un peu impatiente. Ma remplaçante ayant pris ses congés avant la fin de son contrat, j’ai repris tout doucement en août puis à fond en septembre ! Quoi qu’il en soit, je continuais à assurer le service de ma société pour faire la facturation et la paye de ma salariée. »
La complication est venue de l’incompatibilité entre les horaires de la crèche et les horaires de travail de Valérie. Il lui a fallu changer ses habitudes, apprendre à dire « non » à ses clients afin de finir ses journées à 17 h 30, et faire le nécessaire pour libérer ses week-ends désormais consacrés à sa famille.
Autre point d’achoppement, le fait que les enfants malades ne soient pas pris en charge par la crèche. Heureusement, la famille est là !
« Le fait de pouvoir organiser mon planning reste un avantage certain. »
Au final, l’arrivée de bébé a surtout changé l’ordre des priorités…
« Je pense que je suis toujours autant impliquée et appliquée dans mon travail, mais je relativise parfois sur certaines choses et je me sens parfois moins « à fond » que dans le passé. »
Valérie essaye désormais de bloquer le mercredi dans son planning pour pouvoir rester avec sa fille, ce qui n’est malheureusement pas toujours possible.
« Au bout d’un an, je suis obligée d’avouer qu’elle passe la moitié de ses mercredis chez sa grand-mère afin que je puisse « absorber » les missions de dernière minute et tout mon administratif pro – nous sommes aussi notre propre assistante ! »
Pour conclure, Valérie se félicite d’avoir lancé son projet « baby » alors que son activité était stable et qu’elle avait acquis la confiance de ses clients :
« Ma société, c’était mon premier bébé. J’y tiens toujours beaucoup, mais c’est de l’implication, du temps et de la motivation. Je crois qu’il faut en avoir conscience lorsqu’on se lance dans l’aventure « baby »… Encore une fois avec le recul, je suis contente d’avoir eu mon baby tandis que ma société est stable, qu’une relation de confiance s’est installée avec mes clients. »
Séverine, secrétaire juridique indépendante dans le Gard (30)
Installée en portage depuis 2007, Séverine a créé SMART Secrétariat. Elle travaille essentiellement à distance avec des avocats, même si elle propose diverses prestations et effectue parfois des missions ponctuelles hors juridique.
Elle a deux enfants. Sa première grossesse s’est déroulée en 2006 lors de son installation en tant que secrétaire indépendante. Elle n’avait pas encore de clients et bénéficiait des allocations chômage. Pourtant, elle n’avait alors pas vraiment connu de congé maternité étant à fond dans la prospection pour le développement de son activité.
Séverine a appris sa seconde grossesse en février 2010. Les conditions avaient alors changé, puisque son emploi du temps était chargé, mais elle travaillait déjà en collaboration avec d’autres secrétaires. Elle a donc pu s’organiser pour son remplacement.
Pendant 6 mois, elle a accentué son briefing sur le travail effectué pour ses clients auprès de ses partenaires, se contentant de plus en plus de « superviser » le travail sous-traité. Cela lui a permis de s’octroyer cette fois une vraie période de congé maternité.
Ses clients avaient été prévenus dès son 5e mois de grossesse. Elle s’est finalement arrêtée 11 semaines.
« On ne peut jamais parler d’arrêt total quand on est indépendant (même en portage), car on a toujours un œil sur ce qui se passe, mais j’ai voulu profiter de ce moment jusqu’au bout et j’ai fait le minimum requis. »
Ses quatre collaboratrices ont donc pris le relais auprès de ses clients. Elle a d’ailleurs continué à travailler avec certaines d’entre elles par la suite pour mieux organiser son travail.
« Un congé maternité se prépare à l’avance. Il faut savoir s’y prendre dès le début de la grossesse. Personnellement, je fais un travail bien spécifique, qui requiert certaines connaissances en juridique. J’ai donc fait appel à des secrétaires qui comprenaient ce domaine et surtout qui s’adaptaient à mes clients rapidement. »
En tant que salariée portée, Séverine a bénéficié des prestations de la sécurité sociale et de la CAF, comme n’importe quelle maman salariée.
Après sa grossesse, elle a opté pour l’allocation « complément de libre choix d’activité » ce qui lui a permis de garder son fils tous les mercredis.
Son équipe était prête à assurer son remplacement.
La reprise s’est faite très facilement :
« J’aime mon travail. Je n’y suis pas retournée à reculons, loin de là. J’ai suivi le travail de mes collègues tout le long de mon congé, et j’étais à jour du travail fourni et à rendre. Je n’ai pas vécu la reprise comme une contrainte, mais vraiment avec plaisir et enthousiasme. »
Pour sa fille, alors qu’elle lançait tout juste son activité et n’avait pas encore le chiffre d’affaires suffisant pour en vivre, Séverine avait opté pour la garde le matin.
« Comme elle dormait en début d’après-midi, j’avais suffisamment de temps pour travailler et surtout pour prospecter. J’ai ainsi trouvé des clients très rapidement. »
Pour son fils, alors que son activité était déjà importante, elle n’a pas eu d’autres choix que la garde à temps plein, sauf le mercredi et le vendredi après-midi.
« Cependant, j’ai dû souvent travailler le soir pour compenser le temps non travaillé. »
Il s’agit également d’une question financière, encore que Séverine ait pu bénéficier du complément de libre choix d’activité, allocation à laquelle elle avait le droit en tant que salariée et qui lui a permis d’adapter ses horaires.
Ses conseils :
« Profiter de son congé maternité, mais surtout savoir l’adapter à chaque cas particulier. Chacune de nous vivra sa grossesse de manière différente, rencontrera des solutions et des problèmes différents. »
La situation a d’ailleurs été différente lors de ses deux grossesses, et elle a dû s’adapter aussi au rythme de son activité.
« Le conseil que je peux donner, c’est de choisir entre travail et enfant. On ne peut pas tout faire en même temps. Garder un enfant en même temps que travailler n’est bon ni pour votre travail (manque de concentration, travail bâclé, déception des clients…) ni pour votre enfant (sentiment de mise à l’écart, d’abandon…) »
Peggy, secrétaire indépendante dans l’Yonne (89)
Mariée depuis 19 ans, Peggy a 40 ans et est l’heureuse maman de 5 enfants, de 15, 14, 11, 8 et 3 ans.
Installée dans un village de l’Yonne, elle a créé Opaline Secrétariat en novembre 2008 avant d’arrêter son entreprise suite à sa dernière grossesse en 2010.
C’est après le troisième mois qu’elle a annoncé la nouvelle à ses clients. Comme elle travaillait essentiellement depuis son domicile, elle a pu facilement s’organiser pour gérer à la fois sa fatigue et ses nausées.
À son sixième mois, elle a dû rester alitée et s’est mise en arrêt de travail.
Souhaitant profiter le plus possible de son fils, Peggy a décidé de prendre un congé parental de trois ans. Pour cela, elle a dû radier son entreprise et annoncer à ses clients l’arrêt de son activité.
Pour ne pas laisser ses clients dans le besoin, elle leur a présenté une de ses amies qui venait de s’installer.
Opaline Secrétariat avait été créée sous le statut de micro-entreprise (le statut AE n’existait pas encore) et Peggy ayant cotisé au RSI, elle a pu bénéficier normalement des prestations sociales liées à la maternité.
« J’ai toujours fait passer ma vie familiale avant ma vie professionnelle. C’était important que je sois disponible pour mon bébé. Comme j’avais 8 trimestres, j’ai pu bénéficier du congé parental. »
En revanche, la reprise après son congé parental n’est pas facile :
« Ma reprise n’est pas vraiment évidente. En trois ans, il s’est passé beaucoup de choses, et notamment l’arrêt de l’entreprise de mon mari. Comme je ne travaille plus pour lui, j’ai envie de passer à autre chose. J’ai besoin d’aller de l’avant. Je prends donc tout mon temps afin de reprendre mon activité sereinement (différentes structures et formation juridique en cours). »